21 septembre, Journée mondiale Alzheimer. Vous connaissez mon attachement à cette cause. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai traversé cette tornade dans ma vie personnelle. Après son passage j’étais dévasté : la tempête avait emporté avec elle mes rêves d’immortalité, des morceaux de mon enfance, et mon papi Roger, entre quelques notes.
J’ai dû puiser dans son vide pour (re)construire autrement. C’est là que j’ai quitté les plateaux et les scènes « éclairées » en choisissant de devenir, à ma façon, un petit traqueur de tempêtes. On fait tous ce qu’on peut face à l’injustice pour calmer la colère ou la peine, je crois. J’ai fait avec ce que j’avais, ce que j’étais, un « aidant » démuni. Ma vocation a germé dans ce chaos. Ma chance, c’était la voix, celle que mon grand-père avait formée en m’enseignant solfège, piano, jazz, classique, patience… aux dépens de la sienne.
Jour après jour j’ai construit. Cette semaine, cela fait dix ans qu’il est parti, je ne me souviens plus de la date exacte, un mardi, il faisait soleil ça sentait le café. Dix ans que j’ai pris ce virage, que j’apprends le bonheur autrement, à chaque concert, par petites doses. C’est mon métier oui, mais c’est surtout un privilège.
J’aime l’idée qu’on me trouve ringard, miaulant « la java bleue » par dépit dans un costume trop serré pour des petits vieux qui ronchonnent. Il n’y a rien de tout ça. Du tout. J’ai vu des yeux perdus s’allumer en un accord, une main oubliée se tendre et saisir la mienne, applaudir, caresser mon visage trempé. J’ai entendu des voix endormies depuis des années chanter, se souvenir. Parce qu’au-delà de l’oubli, il reste la mémoire émotionnelle qui ne s’efface pas ; tout un faisceau de langages que sont ceux du sourire, des larmes -je vous en parlais dans mon dernier post-, du toucher, de la Musique… Elle habite plusieurs régions du cerveau, c’est scientifique mais poétique aussi, je trouve, d’imaginer que pour toujours des mélodies raisonnent là-haut, nous accompagnent, nous apaisent.
Je suis reconnaissant envers le garçon que j’étais d’avoir persévéré, et si redevable envers les structures, équipes de soins, familles qui m’accueillent. Les fondations se démènent cette semaine (et toute l’année) pour aider mais aussi être entendues. Le combat continue. 💜